(Dans le but d’alléger le texte, l’emploi du masculin comprend aussi le féminin.)
C’est fait ! Projet de loi no. 5 déposé. Cette nouvelle loi sur l’instruction publique pourrait, selon les penseurs politiques actuels, favoriser le dépistage précoce de certaines problématiques chez les enfants de 4 ans, éviter le décrochage scolaire en plus de leur permettre d’enjamber le parcours et les obstacles de leur parcours scolaire de manière plus adéquate. Sac au dos et boîte à lunch agencés, dès septembre 2020 plusieurs de nos grands de la petite enfance, et ce, de tous les milieux économiques feront leur entrée par la grande porte de la cour d’école, dépendamment du choix des parents. Surexcités, en crise ou cachés derrière papa ou maman, les Alice, Mathis, Juliette et Théo du Québec ouvriront le chemin à une nouvelle structure administrative, organisationnelle et éducative. Maintenant que l’idée est lancée sur la table traînant avec elle des débats à n’en plus finir, voire même de peur, est-il juste de croire que nous sommes à l’aube d’une catastrophe ou à l’inverse, avons-nous mis le doigt sur un enjeu social qui fera de nos enfants les super-héros de demain ?
Avant toute chose, sachez que tout comme certains et même plusieurs d’entre vous, quelques cloches ont sonné ma conscience à l’annonce de cette loi. Connaissant parfaitement tous les modèles de service de garde ainsi que le système de l’éducation, les premières questions qui me sont venu en tête sont les mêmes que les vôtres ; « Où allons-nous mettre tous ces petits cocos ? Ensuite, qui prendra en charge cet ajout de clientèle, alors qu’actuellement, nous sommes en pénurie d’enseignants, de professionnels et d’éducateurs dans les milieux de garde scolaire ? Et finalement, nos petits cœurs de 4 ans sont bien en service de garde à l’enfance et le personnel fait un travail remarquable. Pourquoi tout virer de bord ?"
De ces faits, j’ai dû travailler sur mon « moi » afin d’élever ma capacité de jugement au-dessus de mes convictions et mettre mon chapeau d’impartialité afin de mieux rationaliser le potentiel de cette nouvelle réforme. Par conséquent, je suis partie avec l’idée que nous sommes tous d’accord pour dire que nous devons travailler pour le bien-être des enfants. N’est-ce pas ? Alors pourquoi ne pas se poser la vraie question ;
« Étant donné l’ouverture du gouvernement à vouloir considérer l'éducation et la sérieuse problématique que nous sommes tous à même de constater depuis les dernières années chez nos enfants, comment pourrait-on collectivement prendre en charge cet enjeu afin que les premiers gagnants soient vraiment nos enfants ? »
En épluchant les réseaux sociaux, les journaux et l’opinion de tous et chacun, je remarque que les commentaires et opinions sont partagés et surtout très subjectifs. Il est clair que la couverture est tirée de tous bords et de tous côtés. Les milieux de garde en petite enfance, notamment les éducateurs convaincus de bien faire leur travail crient au manque de reconnaissance. De l'autre côté, le personnel enseignant inquiet de constater que les enfants de 5 ans arrivent à l’école mal préparés, argumentent tout de même le fait que les ressources matérielles et humaines resteront impossibles pour subvenir à l’aboutissement de ce projet. Et finalement, il y a ceux et celles qui vont jusqu’à croire que les directions n’ont pas à gérer un surplus de clientèle. Il est invoqué aussi , que les parents seront dans l’embarras lorsque arrivera les congés d’été. Même que certains, poussent leurs réflexions en croyant qu’un lavage de cerveau entourant cette nouvelle polémique sociale conduira les enfants directement dans un monde qu’ils ne sont pas prêts à affronter.
Maintenant, vous aimeriez savoir ce que j’en pense vraiment ? 😊 Je vais vous le confier, mais d’abord, je dois vous confier une chose très importante. Je travaille auprès des enfants et des familles depuis plus de trente ans et le seul et unique intérêt, motivation et plaisir que j’ai de continuer se sont, les enfants. Il se peut que mes propos vous déplaisent, qu’ils vous contrarient ou créent des frustrations, mais je m’assume parce que l’avenir de nos enfants me tient trop à cœur et m’inquiète beaucoup trop pour que je me cache derrière les jugements sociaux. Dans cette ordre d'idées, j’ai tout d’abord répertorié les remarques lues et entendues de ces derniers jours. C’est avec discernement que je dois dire que tous ces énoncés m’ont aussi traversé l’esprit. Qu'à cela ne tienne ! Brisons la glace avec les irritants. Après quelques recherches voici les plus courants que j’ai pu retrouver.
Le manque d’espace dans les écoles.
Le manque de personnel tant enseignants que professionnels.
Le manque de reconnaissance dans les CPE et service de garde en petite enfance.
La surcharge de clientèle pour les directions.
L’inquiétude sur l’importance de la dimension des apprentissages par le jeu.
L’absence de service de garde pour la période estivale
Un service de dépistage précoce déjà instauré et de qualité en CPE.
La qualité des CPE faisant honneur à notre service d’éducation à la petite enfance à travers le monde.
Un environnement non adapté pour des enfants 4 ans dans nos écoles.
La présence sur les bancs d’écoles est déjà suffisamment longue.
C’est de déraciner les enfants trop tôt.
Le manque d’aptitudes au niveau du prés-scolaire déjà présentes chez les cinq ans.
La déresponsabilisation des parents.
Voilà une liste assez exhaustive de réfutations. En contrepartie, les arguments favorables au projet sont moins concis, mais tout de même très révélateurs. Par exemple :
Il y a beaucoup plus de professionnels dans les écoles.
Le dépistage précoces.
De toute façon, le choix reviendra aux parents.
La porte n’est pas fermée pour les 4 ans en CPE.
Les enseignants ont une formation de quatre ans en éducation et sont mieux outillés pour le dépistage.
Somme toute, qui a raison ? Sous toutes ces affirmations, il n’y a nul doute une part de vérité qui justifie chacune d’elles, mais concrètement rien de très encourageant au niveau de la collaboration famille, éducateurs, enseignants et professionnels. Si chaque parti concentre son énergie à vouloir justifier ses valeurs, ses compétences et son jugement, qui encore sera piégé dans une désinvolture de comportements égocentriques ? Eh oui ! Nos enfants. En vérité, une guerre de fatalisme semble bien vouloir se dresser.
Prenons maintenant quelques-uns de ces exemples et réfléchissons objectivement.
1- Le manque d’espace et de ressources humaines. Ce pourrait-il, à l’heure actuelle, que l’insuffisance en ressources soit due à un manque de $$$$ ? Il faut considérer que le gouvernement parle d’injecter entre 400 $ et 700 $ MILLION. Oui ! Oui ! Je sais, au départ, le montant se chiffrait à 250 $ millions, mais bon, n’est-ce pas ce que l’on veut, investir dans l’éducation et surtout dans l’avenir de nos enfants ? Avec ce portefeuille, il est peut-être légitime de croire que le projet soit financièrement viable. Soyons honnête, ce n’est peut-être pas qu’il y a une si grande pénurie de spécialistes et de professionnels, c’est que plusieurs d’entre eux ont compris que le privé était beaucoup plus avantageux. La balle est dans le camp du gouvernement. Il devra offrir de bonnes raisons de croire que le réseau public est reconnaissant et redevant.
2- Le manque de reconnaissance envers les éducateurs. Nous sommes tous en accord pour dire que le personnel éducateur à la petite enfance fait un travail remarquable. Malheureusement, ce ne sont pas tous les milieux qui offrent un suivi auprès de professionnels. Pouvons-nous prendre en charge un enjeu social comme celui de l’éducation et se mettre à bâtir des exclusions autour des exceptions ? De plus, il n’y a pas que les enfants de 4 ans qui fréquentent les garderies, il y a nos 0-3 ans qui eux aussi ont besoin de la qualité des services de la petite enfance, sans oublier, les listes d’attente. Est-ce normal que nos familles québécoises vivent l’inquiétude de ne pas avoir de place en milieu de garde? Et pourquoi ne pas en profiter pour octroyer plus de places en pouponnière dans nos centres de la petite enfance et nos services de garde.
3- Le développement de l’enfant par le jeu. À quel endroit peut-on prendre connaissance du programme qui sera offert ? Moi, je n’ai rien trouvé encore. Pour l'instant, rien ne laisse croire que l'enfant n'apprendra plus par le jeu. J’ose croire que l’objectif ne sera pas de modifier les années de recherches et de constats déjà démontrés dans l’approche pédagogique et éducative du développement de l’enfant. Nous sommes tous bien d’accord pour dire que l’enfant de cet âge apprend par le jeu. Si je regarde les enfants de la maternelle 5 ans que je côtoie, et ce, à tous les jours (Et non je ne suis pas enseignante, mais … T.E.E et C.P en milieu de garde), les enfants sont loin de vivre des moments inadaptés pour eux et ennuyants. Par contre, il est sans contredits que la dimension la plus inquiétante actuellement soit celle des habiletés sociales. Il est urgent d’instaurer des moyens pour développer ces aptitudes et cela, maintenant.
4- L’environnement non adapté pour les petits dans nos écoles. Pendant deux ans, j’ai cohabité dans mes locaux avec les groupes Passe-Partout (programme de demi-journée pour enfant de 4 ans). L’organisation était si bien faite, que jamais les petits n’étaient en contact avec les grands. L’arrivée se faisait après les élèves de l'école et un horaire différent pour les activités extérieures étaient aussi pensé. La psychoéducatrice chargée du programme, rencontrait régulièrement les parents afin de les conseiller et leur donner des pistes d’interventions efficaces et personnalisées. Oui, j’ai vu des enfants anxieux au début et même en pleurs, mais plus les journées se comptaient et plus les enfants étaient tout souriants de venir à la grande école. Bref, aucun cas de traumatisme connu.
5- Les enseignants ont une formation de quatre ans universitaire. Les enseignants sont formés pour instruire, pour enseigner pas pour éduquer. D’ailleurs, actuellement, le réseau de l’instruction est bouleversé par l’ajout d’un mandat auprès des enseignants, celui d’éduquer nos enfants, alors qu’il devrait être axé sur les apprentissages académiques. Les spécialistes de la petite enfance, ce sont eux les éducateurs. Qu’ils soient reconnus de niveau collégial ou universitaire, ils demeurent les mieux outillés pour affronter le développement de l’enfant 0 à 5 ans. L’enfant devrait être en mesure d’arriver à l’école avec ce bagage d’expertise mis à sa disposition. Le rôle de l’enseignant ne devrait pas être celui d’apprendre à l’enfant les habiletés sociales de base. À l’instar, celui de l’éducateur n’est pas d’apprendre à l’enfant à écrire. À chacun son rôle. Maintenant, est-ce que l’un est plus outillé que l’autre pour dépister ? Non, pas nécessairement. Tout relève, oui des connaissances, mais surtout de l’expérience, du jugement et du désir de vouloir s’investir auprès de l’enfant. Il serait profitable et souhaitable de considérer la collaboration et la coopération des enseignants et des éducateurs pour les classes quatre ans.
6- La décision reviendra aux parents. Exactement ! Donc, où est le problème ? Le parent qui est satisfait des services offerts en milieu de garde et qui juge que son enfant est bien aura quel avantage à changer son enfant de milieu ? Ne revient-il pas aux parents de juger si l’environnement convient ou pas à leurs enfants ? Y a-t-il un danger que les parents finissent par se faire conduire inconsciemment vers la porte du programme préscolaire et primaire ? Oui, s'il en est bénéfique à l'enfant et que ce projet réussi à atteindre ses objectifs. Finalement, pourrons-nous espérer que les parents prennent en considération l’âge au 1er septembre et non pas le standard d’admission du 30 septembre ? C’est le cas pour les enfants qui auront trois ans lors de la rentrée scolaire ou au contraire, celui qui serait prêt et qui aura 5 ans après le 1er octobre, soit après la date butoir des inscriptions.
Forcément, non seulement toutes ces questions et réponses sont séantes, mais aussi personnels à chacun et mérite respect. Enfin, c’est beau critiquer, argumenter et contester, mais ça ne fera pas des enfants forts comme dit le dicton. Nous arrivons à un chapitre ou la fusion entre la collaboration, l’investissement personnel, professionnel et financière ainsi que l’entendement devra être à son maximum afin que nous tous, ensemble, puissions assumer la responsabilité d’offrir aux futures générations non pas une cour destinée qu’aux grands, mais à l’épanouissement de tous les enfants dans un monde où leur bien-être est avant tout la priorité. À la lumière de ce texte, vous savez quoi ? Il vous appartient de prendre parti ou non de mon opinion, mais une chose est certaine, c’est que peut importer la cour dans laquelle l’enfant est placé, je reste convaincu que l’essentiel est de le considérer et surtout de pas lui mettre sur le dos, l’ego de la société.
Sandra Mathieu
C.P en milieu de garde
T.E.E
Fondatrice de V.I.P. De L'Éducation
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